vendredi 13 novembre 2015

Escaliers des pentes de la Croix-Rousse


La neige est abondamment tombée dans la nuit et la ville s’éveille irradiant sa brillance. 

Les lourds et bas nuages qui en étaient chargés se sont totalement dissipés. 

Le temps est clair, l’atmosphère transparente. 

Le soleil vient de se lever dans l’immensité d’un ciel dont le bleu, clair et glacial, est violemment enflammé à l’orient d’une illumination, du bouillonnement d’un jaune orangé rougi de pourpre, comme la coruscation des traînes d’une galaxie explosée dans le cosmos. 

Sur terre, sur cette pente de la colline de la Croix-Rousse, sur l’un de ces paliers d’escalier que Macha affectionne, sur lequel elle s’est arrêtée, découvrant toujours de nouvelles perspectives, plongeantes, vertigineuses, sur le site urbain, leitmotiv plastique de la saga des pentes, qu’elle regarde, contemple, chaque fois dans l’exaltation d’un premier jour, d’une première apparition. 

Tout est silencieux, les bruits de la ville sont abolis par la douceur floconneuse de la neige. 

Nul pas n’a encore foulé, profané, la blancheur immaculée du fragile tapis ouaté qui dissimule les rides du sol ; nulle main n’a encore détaché la délicate ganse blanche qui souligne les rebords des fenêtres et les rampes de l’escalier ; nul vent, nul souffle d’air n’a encore éparpillé, dispersé, métamorphosé en un fin poudroiement cristallin, les myriades de bouloches friables que la mordacité du gel a faucillé sur le manteau de laine blanche posé sur les toits, ni l’instable et cassant névé en débordant. 

Tout dort alentour. 

De chaque côté de la montée, les maisons s’écartent en un jaillissement de lignes obliques, offrant ainsi leurs façades à la lumière matinale, éclatant éventail de couleurs rose, jaune, orange, violette, gris jaspé, ocre, toutes nuancées, contrastées, que rompt le trait bleuté des barreaux des rampes. 

Tout dort, seuls veillent immémorialement les pierres, imprégnées de la souvenance de tant de voix d’artistes disparus, poètes, peintres, sculpteurs qui parcoururent les pentes de la colline et dont il semble à Macha percevoir le murmure. 

Derrière l’arête de la dernière toiture des immeubles contre lesquels bute l’escalier, devant sa plongée au bas de la colline, s’étend l’horizon sphérique floconnant de blanc et de bleu. 

Un spectacle, un décor, éphémère, rare, qui n’appartient peut-être qu’à l’imaginaire. 

Charles Gourdin

Huile, 100x81 cm

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