lundi 30 novembre 2015

Le Printemps, quai Pierre Scize

«D’où vient ce calme enfin, ce timide silence, 

La voix de ces faubourgs lointains ? 

Nul doute, 

Du Printemps revenu de ses lointains voyages, 

Qui nous apporte la paix du cœur». 

Par le pinceau de Macha Belsky, le Printemps s’est approprié le paysage, l’imprégnant, l’emplissant, l’enveloppant d’une immense quiétude. 

Ce paysage se révèle à nos yeux, plastiquement, douces et longues courbes au rythme lent, dont l’une, ample mouvement du quai Pierre Scize, embrasse la Saône comme pour se l’attacher, la retenir, en enchâsser l’émail, la pureté du glacis de sa surface sur laquelle se mire, se reflète, l’ombre chaude, dont la couleur violette, en ses déclinaisons parme, violine, lilas, mauve, au fur et à mesure qu’elle s’éloigne vers l’aval du fleuve, va jusqu’à se fondre dans la lumière, claire, transparente, descendue de l’azur d’un ciel, effleuré de la nue qui subsiste encore en quelques écharpes de nuages blancs. 

Dans la tiédeur de cette atmosphère annonciatrice du retour des beaux jours, comme incités au farniente, étagés sur la pente de la colline de Fourvière, en une dense urbanisation, d’innombrables blocs d’immeubles se renversent, s’allongent, s’étirent, délectablement, exposant leur corps de pierres, refroidis au temps des frimas, pour les réchauffer aux premiers rayons d’un soleil printanier que semble montrer, culminante, la Tour métallique pointant sa flèche vers le ciel. 

On l’imagine, l’artiste était assise sur la première marche de l’escalier qui, du quai surélevé, descend sur une étroite et courte plage émergée, sorte de vestige témoignant que la Saône, avant qu’on ne l’endiguât, pouvait, naguère, grosse de ses crues, s’étendre sans qu’on n’en limitât le flot. 

Le fleuve avait sans doute beaucoup à raconter à Macha, à propos du rocher qui, à l’époque gallo-romaine s’avançait jusqu’à son bord. Agrippa en fit couper l’extrémité (petra incisa, Pierre Encise, enfin Pierre Scize) pour assurer le passage vers la Gaule narbonnaise. Puis, vers l’an Mil, quelque cent vingt marches au-dessus, s’éleva le château Pierre Scize derrière les murs duquel furent emprisonnés le cruel Baron des Adrets ; et aussi Cinq-Mars et de Thou, après avoir conspiré contre Richelieu. 

Mais en ce jour, il ne semblait pas que l’artiste était à son écoute, elle était abîmée dans la pureté du paysage, en contemplant la seule beauté, la beauté d’un premier jour de printemps. Elle en goûtait la douce, sereine et paisible ambiance, le ravissement, l’enchantement, peut-être le bonheur véritable d’un moment, prodigieux présent de «L’Oiseau bleu». 


Charles Gourdin


100 x 81 cm, huile

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