vendredi 26 février 2021

Le funiculaire

 

C’est un étrange spectacle que l’artiste nous fait découvrir depuis un belvédère du jardin de la colline de Fourvière dont la pente descend jusqu’au pont Bonaparte. 

La neige est abondamment tombée sur la ville. Elle couvre d’une épaisse couche cotonneuse, dont la blancheur est jaspée d’infinies nuances bleutées, les toits d’une multitude de maisons, qui se croisent, s’entrecroisent, serrées jusqu’à l’étouffement, dissimulant les rues. 

On en survole littéralement un étroit mais impressionnant périmètre urbain, quasiment terrestre, à l’exception d’une infime encoignure ouverte sur la tache obombrée d’un ciel bleu violacé. 

Tandis que dans le lointain, la planitude de la Presqu’île s’efface, s’estompe, s’abolit, tassée dans un sfumato de couleurs obscurcies par la fin du jour, sur la pente de la colline de Fourvière s’étagent, suivant l’alignement de courbes montantes, grimpantes, escaladeuses, à la queue leu leu, les cohortes de maisons du quartier de Saint-Jean, encore resplendissant de la lumière horizontale du couchant, mêlant le jaune et l’orangé ; de celles du quartier de Saint-Georges envahi peu à peu d’une froideur bleutée. 

Un long et profond sillon, souligné, surligné, ponctué, accentué, d’un geste, d’un trait violent, saturé d’un bleu, violet, améthiste, en partage, en tranche la mitoyenneté. 

De part et d’autre, les immeubles se sont séparés, écartés, repoussés, rejetant vivement leurs murs longeant le chemin du funiculaire que l’on devine sous la couverture plaquée au fond de la tranchée. Sa station à mi-pente dépassée, l’unique wagon sort de la bouche du tunnel. Il apparaît, pour un court moment, à l’air libre, y reprenant son souffle, montant lentement, bringuebalant bruyamment sur les rails de fer. On croît l’entendre... 

À peu de distance, il va s’engager à nouveau dans l’obscurité de la galerie souterraine, jusqu’à son terminus, l’esplanade de la basilique. 

Dans la matérialité, dans la réalité si belle, si attachante, du monde urbain dont Macha peint inlassablement l’image, le funiculaire, par sa lente et difficile ascension, ne symbolise-t-il pas, de l’esprit de l’artiste - incertain, fragile - la tentative de se frayer un chemin vers ce qu’il imagine, espère, l’approche de la mystérieuse et infinie Lumière, celle de la Beauté dans son essence ? 

Huile, 100x50 cm


www.machabelsky.com

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