vendredi 26 février 2021

Vue d’un parc des pentes de la colline de la Croix-Rousse


 Dans la saga picturale urbaine, entamée par Macha Belsky, ce tableau figure, exemplairement, parmi les premiers à réaliser une combinaison entre le constructivisme et le fantastique, ses perceptions initiales, et leur traduction, devant le paysage lyonnais. 

On y décèle aussi, à certains signes plastiques, l’introduction d’une notion, d’une idée philosophique. 

De ce parc, havre de verdure et de calme, accroché à l’une des pentes de la Croix-Rousse – habité de statues dues aux ciseaux des sculpteurs Jean Morel et Georges Salendre – l’artiste s’est penchée sur la balustrade qui protège du vide, plongeant vertigineusement son regard sur les quartiers, en bas, construits en vis à vis, au cours des siècles, sur les bords opposés de la Saône, et «confiés à la garde de l’Homme de la Roche» qui, du seuil de sa grotte, veille.

Il en est résulté une magnifique image, aux formes tourmentées, en partie dorée d’une lumière solaire dont un reflet, plus éclatant, illumine d’un jaune safrané le miroir du fleuve. 

Une image plastique englobée dans une perspective sphérique, dont la vaste et diamétrale courbure entraîne, dans une ronde tourbillonnante, la masse compacte d’innombrables bâtisses ancestrales aux murs et aux toits imprégnés des chaudes, denses et lourdes couleurs de l’ocre jaune et du rouge brique. Leurs premières rangées, tassées en alignements frontaux - pressées contre la falaise, le pied de la colline - semblent contenir l’irrésistible poussée venue des suivantes, comme si toutes ces maisons subissaient l’attraction d’un sommet, en une sorte de tropisme ascensionnel, salvateur d’un enfermement que figure l’horizon proche et bas, rayé d’une barre orangée sous un ciel pourpre, lumineux mais impénétrable. 

Entre la falaise et les maisons, quelques arbres, défeuillés, noirs, lancent leurs branches vers le ciel muet en un mouvement qui aspire à l’atteindre. 

Et alors, l’image du tableau semble traversée d’un élan pictural subjectif. 

Il apparaît, en effet, sous le pinceau de l’artiste – illusion de notre regard ? – comme filigranée, une tendance, consciente ou inconsciente, à s’ouvrir, par le truchement de ces quelques signes, non pas aux transports d’une incertaine spiritualité, mais plutôt le désir de s’évader d’un état psychique encore soumis à certaines contraintes existentielles, un désir de liberté et de l’exprimer par la manifestation d’une passion, d’une exaltation devant ces lieux dont la poétique l’attire comme une terre qui lui aurait été promise.


Charles Gourdin


Huile, 100x81 cm


machabelsky.com

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